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text made during a collaborative residency with the artist Casa in a care home, Loire, France

Cela fait quinze ans que je vis dans une des plus petites maisons de St Julien, face à la maison de retraite, une des plus grandes et des plus impo- santes. Quinze ans que je cohabite avec la vie d’en face, une vie qui est constamment présente à travers mes fenêtres, les unes empilées sur les autres comme dans une tour, pouvant voir et être vu.

Un lien insaisissable s’est tissé dans l’invisible au fil des années et j’imagine que nos simples et constants signes de vie renvoyés inconsciemment et reçus comme on reçoit un sourire, comptent : du linge qui danse sur le vent, des fleurs à nouveau au balcon, un infirmier ouvrant les fenêtres d’une chambre pour laisser entrer le soleil, la visite inattendue d’un étranger.

Petit à petit, sans me rendre compte, je rentre dans le paysage et attends d’accueillir le constant va et vient qui anime l’espace entre les deux côtés de la rue tous les jours et toutes les nuits. Les éléments de ce paysage sonore se parlent comme les oiseaux de printemps en construisant des nids, allant d’arbre en arbre.

Nous construisons des habitudes banales, mais ces mœurs deviennent le rythme de base qui fait la trame invisible de nos vies quotidiennes toujours dans l’étrange. Il y a une silencieuse rencontre à travers la transparence des vitres, de vies qui se déroulent à proximité, sans jamais se toucher.

Une lumière, la nuit veille, pâle ivoire, comme la flamme tamisée au cœur de l’église, scintillant jour et nuit, offrant sa présence constante, un symbole de vie qui ne s’éteint jamais pris dans sa dimension collective.

Une lumière (seule) s’éteint, mais il y en a toujours d’autres qui brillent, pour que, vu
de loin, il n’y ait pas de baisse perceptible de l’intensité. Cette lumière m’attend chaque nuit et traverse, perce le noir épais pour arriver jusqu’ici.

Avec la lune, elle se pose, repose ses longues ombres blanches, sur ma peau, les draps de mon lit, mon délicieux manque de sommeil. Elle laisse pénétrer des notions d’éternité

en moi, en douceur nocturne, me rappelant encore qu’une nuit morte de ses jours, est toutefois remplie de vies qui passent, et se renouvellera à l’aube.

La vie, ici, passe, comme les anges passent.

Nous partageons nos histoires par ces signaux de vie, la nuit, toujours vus d’en face. Nous sommes liés malgré l’invisible rencontre, comme tant de fils de soie qui ont autrefois tissé les êtres ensemble, passés dans maintes mains, se filaient à travers tant de doigts habiles.

Nous nous reflétons, et renvoyons le miroir de notre vécu qui laissant apparaitre l’invisible jeunesse enfuie, se cache dans les traits de la vieillesse, gardienne de ce temps perdu.

A travers la rue, l’imaginaire prend place, un carré de ciel, voluptueux bleu, s’ouvre comme des rêves qui pèsent moins que rien, et nous emporte jusqu’à la ligne de disparition de l’horizon.

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